Cette période sera courte par rapport aux précédentes, mais elle méritait un article à lui seul, de par son importance.
Le temps des grands bûchers
(XVIème et XVIIème siècles)
Un désir de réforme, controversé par le désir de moralité
Le Moyen Age a donné toutes les bases, sans exception, pour la chasse aux sorcières. Il a usé du climat de suspicion portant sur celui qui est différent, étranger. Les XVIème et XVIIème siècles ne feront pas mieux et l’on trouvera aisément des comportements similaires.
A cette période, on en a toujours pas fini avec l’hérésie, ni avec les crises, et la naissance de protestantisme, et on a aussi jeté l’opprobre sur la femme. Ce sont dans les Temps modernes que celle-ci va enfin pouvoir se détacher peu à peu de l’homme, même si elle restera sans doute « mineur » par rapport à lui.
A la fin du Moyen Age, les bûchers sont prêts. Car oui, cela marque l’étape la plus terrible de l’histoire de la sorcellerie.
La démonologie (science associée à l’étude du diable), associe souvent la sorcière au monde de l’enfer. Bénéficiant d’un discours qui se veut organisé, méthodique, construit, les Inquisiteurs ne laisse plus rien au hasard. D’ailleurs, qui pourrait douter de « l’évidence des faits » ? Quoi qu’il en soit, les tribunaux chargés de juger les sorciers et sorcières (laïques ou pas) n’échappent pas à la manipulation religieuse et au mal-être de ces temps. Et si l’on ne condamne plus pour l’hérésie, mais pour la sorcellerie, l’accusation n’en continue pas moins à servir de prétexte. On en est même tellement convaincu que c’est bien le seul point sur lequel catholiques et protestants sont d’accord, tandis qu’une véritable épidémie de possession gagne les couvents et mobilise les foules, tandis que Satan nargue les exorcistes. De pauvres détraquées qui se croient « possédées » se mettent à leur tour à alimenter les bûchers en y poussant ceux sur lesquels elles ont jetées leur dévolu : leur confesseur.
Le Maleus (autre ouvrage inquisitorial sur les méfaits de la sorcellerie, beaucoup plus complet que la Pratica) n’eut pas un succès immédiat. Mais cinquante ans après sa première édition, celui-ci connaîtra, de 1487 à 1520, quatorze éditions différentes, un record absolu pour l’époque, et aussi premier livre de poche, facile à transporter avec soi-même afin de savoir comment réagir à une quelconque attaque de sorcellerie ou à en éviter ses maléfices.
Plusieurs éléments interviennent dans la répression des XVIème et XVIIème siècles : le rôle de l’Eglise encore, avec les problèmes qui lui sont propres et où ceux qu’elle a connus au cours du Moyen-Age s’amplifient, tandis que de là naît la Réforme dont le concile de Trente marquera l’apogée de cette Répression. Le conflit religieux, derrière se profile un conflit social et politique, période d’instabilité favorisant les superstitions comme la recherche de boucs émissaires ; tandis qu’une invraisemblable littérature de la sorcellerie va se développer (cf. article sur la sorcière et la littérature).
A cette époque, l’Allemagne est « envahie » par la sorcellerie. Pour réagir face à cette soudaine « vague » sorcellerie, l’Allemagne invente toutes sortes de tortures pour faire durer le spectacle et, pour aller plus vite, les fours crématoires (où quarante-deux femmes avaient péri) existaient déjà. Mais ils avaient un spectacle inconvénient : on y perdait un spectacle gratuit. On inventait alors d’autres procédés, plus aptes à, satisfaire les masses… L’Allemagne avait ses détecteurs de sorcières, qui se faisait fort de jeter sur le bûcher les malheureuses sur lesquelles ils avaient cru voir la marque du diable. Elle avait surtout ses théoriciens surtout, catholiques ou protestants. Carpzov, juge de l’électorat de Saxe, y fut un des plus terribles persécuteurs de sorcières, dont l’influence continua de s’exercer bien après sa mort en 1666.
La France fut certainement avec l’Allemagne le pays « le mieux disposé » à l’égard de la sorcellerie. Elle comprit plus vite l’aberration d’une telle persécution, mais n’en brûla pas moins tout aussi consciencieusement aux XVIème et XVIIème siècles. Elle disposait aussi d’une indéniable expérience.
Depuis le XIIème, on avait cessé de décrire complaisamment les agissements des sorciers, derrière se cachait le diable, et on avait toujours pris soin de dire qu’il était du devoir de chacun de les dénoncer. Si cela aboutissait à des énumérations fastidieuses par leur répétition, le problème se résolvait désormais plus simplement puisque, dans la plupart des cas, c’était le bûcher. D’autre part, on disposait de savants traités mettant en garde contre les agissements de Satan et l’image offrait à tous ceux qui ne savaient pas lire (la majorité) de recueils capables d’assurer les plus terribles cauchemars. La procédure enfin avait été définie. On savait comment s’y prendre face aux sorcières, comment les interroger, comment se protéger, etc., et la « méchanceté féminine » était connue de tous, notamment grâce au Maleus.
Proche de la France et de l’Allemagne, la Suisse allait aussi connaitre aux XVIème et XVIIème siècles de dramatiques épidémies de sorcellerie. Le mieux était donc de s’en prendre aux sorciers qu’après avoir découvert la marque du diable derrière ces agissements, essayant ainsi de limiter les tortures parmi les plus douteux. Il était donc inutile de chercher à la limite de la torture puisque cela passait aussi par là. Mais il est vrai, que subtilement, on continuait à distinguer des degrés dans l’échelle de la souffrance… Cependant, certains se demandaient si la marque du diable justifiait la torture. Des doctes médicinales et universitaires répondirent que non, ce qui eut pour conséquence que plus rien ne se justifiait, et tout était remis en question. Ce qui était évident pour quelques-uns ne le fut pas pour tous, puisqu’il y eut encore des bûchers jusque vers 1680.
Enfin, la loi se contentait donc de réprimer ce qui était trop outré : devant un meurtre ou un empoisonnement, magie ou pas, on était confronté à une évidence qui justifiait une sanction. Une loi de 1608, renouvelée dix ans plus tard environ, précisait donc les peines à appliquer en cas de poison ou de pratiques magiques, distinction finalement sans grande importance dans les cas flagrants, tandis que pour le reste, des témoins en nombre suffisant permettaient à celui que l’on soupçonnait de faire admettre son innocence. C’est la raison pour laquelle beaucoup de bûchers brûlèrent à cette époque.
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